Les fréquentations
Selon les milieux, en général les fréquentations d'autrefois sont rarement très longues, allant de six mois à un an en moyenne. Dans la société rurale québécoise du XIXe siècle, les lieux et les occasions de rencontre sont d'ailleurs peu nombreux. C'est surtout lors des veillées de la période hivernale et lors des réunions comme les corvées que la « jeunesse » peut se divertir et montrer ses sentiments envers quelqu'un en particulier. Il faut dire que dans les paroisses et les villages, beaucoup de jeunes se connaissent parfois depuis l'école, ce qui facilite les premiers contacts. Habituellement, il revient au jeune homme de faire les premiers pas vers la jeune fille qui ne le laisse pas indifférent, pour commencer à lui faire la cour. Les fréquentations comme telles se font par des visites au domicile de la fille, en présence des membres de la famille. Le prétendant peut visiter l'élue de son cœur tous les dimanches et certains soirs de semaine. Les « bons soirs » comme on les appelle populairement sont le mardi, le jeudi et le samedi ainsi que les jours de fête. En dehors de ces jours, il paraît inconvenant de se présenter chez la jeune fille. Généralement, lorsque l'un des parents se lève pour remonter l'horloge, c'est le signe au prétendant qu'il doit partir. Les sorties à l'extérieur sans surveillance sont rarement autorisées par les parents de la jeune fille et sont perçus comme inconvenants. Lorsqu'elles ont lieu, ce n'est jamais seul à seul que les amoureux se promènent. Ils sont accompagnés d'un parent, un frère ou une sœur plus jeune ou plus vieux, chargé de les chaperonner, et les occasions de rapprochement sont rares. Jusqu'aux années 1950 au Québec, une femme ne se promène pas seule sur la rue le soir et ne rend pas visite seule à son prétendant. Celles qui le font sont jugées sévèrement par la communauté et acquièrent la réputation de femme aux mœurs légères. Malgré tout, certaines sorties de groupe peuvent permettre des escapades des amoureux à l'écart du chaperon. Des histoires de cueillettes de petits fruits ou d'excursion à la cabane à sucre ont fait surgir tout un folklore sur les fréquentations.
La jeune fille peut recevoir la visite de plusieurs prétendants à la fois et cela, étalées sur des soirs différents et sur une période indéterminée avant d'arrêter son choix. Si un jeune homme lui offre des petits cadeaux et qu'elle les accepte, elle signifie par là sa préférence et les autres galants n'ont d'autre choix que de se retirer. Elle doit toutefois leur signifier clairement qu'elle est « prise » ou que ses sentiments sont portés vers un garçon en particulier. Lorsque les fréquentations deviennent sérieuses, les amoureux apprennent à mieux se connaître et les visites se font plus régulières.
La grande demande
Dès que les fréquentations deviennent assidues entre un jeune homme et une jeune fille, on parle soit de fiançailles, soit tout de suite de mariage. Dès le Régime français, l'étape des fiançailles est abolie par Mgr de Saint-Vallier, évêque de Québec, et au XIXe siècle, elle n'a plus cours sous prétexte que certains promis se permettent des libertés propres au mariage pendant cette période. C'est seulement après que les jeunes gens se sont déclarés mutuellement leur amour et mis d'accord sur une date que la demande a lieu. La coutume bien établie veut que ce soit le prétendant ou l'amoureux qui fasse la demande en mariage auprès du père de la fille courtisée. Comme la règle ne va pas sans l'exception, une autre coutume permet, de façon officielle, qu'une fille dispose de ce privilège tous les quatre ans à l'année bissextile. Jusqu'au début du XXe siècle, la demande en mariage peut prendre deux formes : la grande et la petite demande. La dernière se fait de façon simple et plus informelle un soir de visite à la promise devant tous les membres de la famille. Quant à la grande demande, elle réunit officiellement les pères et les futurs époux pour l'occasion. Les pères discutent des avantages matrimoniaux et se mettent d'accord sur les arrangements de la fête. Parfois la grande demande se fait seulement par le prétendant, genou à terre et gants blancs, à son futur beau-père qui doit accorder son autorisation. Dès que la grande demande est faite, on rend le mariage officiel par la publication des bans à l'église. Aujourd'hui, la coutume de la grande demande est une tradition bien révolue car les futurs époux s'engagent mutuellement sans se soucier d'obtenir l'autorisation. « Demander la main » de la future mariée à son père pour obtenir son consentement doit être une coutume qui est en lien avec l'âge de la majorité fixée autrefois à 21 ans. Comme certains veulent se marier très jeunes, l'autorisation des parents va de pair avec la règle de l'Église.
La publication des bans
Dans la religion catholique, l'annonce du mariage se fait publiquement. Jusqu'au début du XXe siècle au Québec, le mariage est annoncé par le curé du haut de la chaire lors du prône pendant trois dimanches consécutifs précédant la date de la cérémonie. Au fil des années, l'annonce des bans de mariage est ramenée à deux semaines, en général une fois dans la paroisse du garçon et une fois dans celle de la fille, puis plus tard, à une semaine seulement. De nos jours, dans les endroits où cette règle est encore respectée, la publication des bans se fait par l'intermédiaire du bulletin paroissial, un feuillet d'information destiné aux paroissiens. En certains endroits, les bans de mariage sont affichés à la porte de l'église.
Pour s'exempter de deux semaines de publication, les futurs mariés ont recours à la dispense. Celle-ci est une dérogation accordée par l'évêque du diocèse via le curé de la paroisse. La dispense est généralement accordée dans des cas spéciaux où la date du mariage doit être précipitée par exemple lorsque la jeune fille est enceinte. Chaque dispense s'accompagne de coûts de même que la publication des bans. Des dispenses doivent également être demandées lorsque les futurs époux sont de religion différente et lorsque les époux ont un lien de parenté et de consanguinité.
La proclamation officielle du mariage est destinée à permettre aux éventuels opposants à la cérémonie de manifester leur désaccord. Quiconque connaît un empêchement légal ou moral au mariage est tenu de le signifier au curé de la paroisse. Parmi ces empêchements, l'âge des époux est primordial. Si l'un des deux est mineur, il doit obtenir le consentement de ses parents. Au Québec, jusqu'au début des années 1970, la majorité légale est fixée à 21 ans.
En général, la jeune fille se marie dans sa paroisse natale. Quel que soit l'endroit choisi, la cérémonie religieuse doit faire l'objet d'une demande en bonne et due forme au curé de la paroisse. On ne se marie pas sans autorisation ni réservation. Aussi, un billet de confession, signé de la main du confesseur, peut être demandé aux résidants qui ne sont pas natifs de la paroisse afin de s'assurer qu'ils sont en « état de grâces » pour recevoir le sacrement du mariage. Le certificat de confession n'est pas obligatoire mais il est fortement suggéré dans le rituel sacré. Plusieurs futurs époux s'exécutent la semaine avant le mariage.
La messe du mariage dure en moyenne quarante-cinq minutes et comporte un prix fixe. Jusqu'aux années 1960, il existe différentes catégories de cérémonies qui varient en fonction des moyens financiers des futurs époux. À cette époque, le luxe des apparats de l'église et la volée de cloches marquent la différence socio-économique de chaque mariage. Lorsque plus d'un mariage est célébré la même journée, on les fait suivre en commençant par le plus pauvre en raison de la facilité à ajouter des décorations pour la catégorie plus riche. De nos jours, ces distinctions n'ont plus cours.
Le charivari
Pour marquer la désapprobation d'un mariage jugé douteux, la coutume du charivari s'inscrit comme un châtiment collectif populaire. Cette coutume, signalée en France dès le XIe siècle, consiste en un tintamarre qui se déroule la nuit devant la maison des nouveaux mariés. Principalement organisé par un groupe de jeunes célibataires masqués et déguisés, ceux-ci mènent un vacarme incessant à l'aide d'instruments de cuisine de toutes sortes comme des poêles et des casseroles. Le rôle du tintamarre vise à sanctionner un acte considéré illicite aux yeux de la communauté. Le bruit se transforme en dérision et exprime haut les sentiments de ceux qui ne participent pas directement au châtiment mais qui désapprouvent aussi le geste. Parfois, le curé qui a béni le mariage est aussi visé par le charivari. Parmi les unions jugées douteuses et qui peuvent faire l'objet d'un charivari, mentionnons le mariage entre conjoints trop vieux, le remariage d'un veuf ou d'une veuve avant la fin de la période de deuil respectable, le remariage entre individus où la différence d'âge est trop grande et où la différence de statut est trop marquée.
Pour faire cesser le charivari, les nouveaux mariés doivent souvent trouver un accommodement avec les censeurs improvisés de l'ordre social, payer un dû ou répondre à d'autres conditions avant de pouvoir jouir paisiblement de leur union. D'après les sources judiciaires du XIXe siècle, les charivaris ont parfois mené à des affrontements violents aux allures carnavalesques. Des victimes de charivaris se sont plaintes de dommage à la propriété et même de blessures. Lorsque ces débordements vont jusqu'à la profanation des cérémonies religieuses et des sacrements voire au scandale, les « charivarisants » sont l'objet de remontrances et sont invités à faire réparation.
Le premier charivari mentionné dans les écrits canadiens-français est survenu à Québec en 1683. Il concerne une veuve de 25 ans qui s'est remariée après seulement trois semaines de deuil. Malgré les interdictions de l'Église au XVIIIe siècle, la coutume du charivari se perpétue et on l'utilise bientôt à des fins politiques pour manifester un désaccord sur des événements comme les troubles de 1837. Cette forme persiste jusqu'au début du XXe siècle alors que les charivaris de mariage sont disparus au tournant du XIXe siècle comme d'ailleurs l'étrange coutume du mariage à la gaumine.