À l'arrivée des Européens, les Amérindiens du Canada récoltaient déjà des petits fruits en abondance et les utilisaient frais ou séchés pour se nourrir ou à des fins curatives. La présence des fraises sauvages donnait déjà lieu à une sorte de festival chez les Iroquois. Il est d'ailleurs attesté que ce petit fruit rouge était important pour certains peuples autochtones et qu'il faisait partie de leur culture : nourriture d'été, les fraises symbolisent la bonne saison.
Les bleuets faisaient aussi les délices des autochtones bien avant le XVIe siècle. Pour les consommer en hiver, ils les faisaient sécher ou les réduisaient en purée et en façonnaient des galettes. Les bleuets étaient souvent mélangés à de la viande rouge ou à de la graisse fondue pour donner une sorte de pemmican. À travers l'histoire, ce petit fruit a fait l'objet de nombreuses gâteries et pâtisseries dont le renommé chocolat aux bleuets des pères trappistes de la région du Saguenay.
Un peu d'histoire
De toutes les cueillettes de petits fruits sauvages, celle du bleuet est sans doute l'une des plus populaires. La nature distribue en abondance les bleuets au Canada, d'où son nom de «manne bleue» (d'après le titre d'un documentaire de l'ONF tourné en 1945). Cette richesse fascine l'imaginaire et le temps des bleuets a été plus d'une fois immortalisé dans notre littérature du terroir. Louis Hémon présente les brûlis comme le théâtre de rencontres amoureuses dans le roman Maria Chapdelaine tandis que sous la plume de Félix-Antoine Savard, la poésie fait l'éloge de cette baie bleue. Voici un extrait du célèbre roman Menaud, maître draveur.
À la Sainte-Anne, les bleuets sont mûrs. C'est le raisin de chez nous ; c'est le fils du feu ; du sol humble et pierreux, c'est l'offrande ; c'est le miel des crans sauvages, le frère des éricales dans le royaume infini des sphaignes et des tourbières.
Alors, en juillet, gourmandes, les belles grappes se gorgent de soleil et de sucre, et ressemblent à des ?ufs de merle dans le nid des feuilles glabres.
Alors, partout où la charrue ne peut aller, dans toutes les solitudes lointaines et les savanes sans fin, roule la vague opulente et joyeuse des airelles bleues.
C'est la richesse du pauvre, le présent de notre terre à nous, sa douceur, son fruit d'amour.
Alors, les oiseaux grappillent tous au festin des bleuets ; et, gavés, le long des jours chauds, s'endorment les ours, le museau dans les talles.
Les piqueurs de gomme qui suivent le flot d'or des sèves dans les fûts de la sapinière, descendent à midi dans la douceur des grappes, et s'empiffrent en faisant rouler dans leurs mains gommeuses les baies tièdes et sucrées.
Et les enfants s'en donnent à la régalade, et se disputent les plus belles ; et, criant, se soûlent de fruit et se barbouillent comme des vendangeurs.
Alors, les bleuetières, on les voit aussi se fleurir de filles brunes au large chapeau sous lequel, - ah ! les coquettes, - brillent, comme deux bleuets de velours, des yeux amadoueurs ; et, parfois, à la même grappe, les doigts entremêlés, le beau gars du voisinage et la cueilleuse se parlent à l'abri du mélèze odorant...
Mais quand approche l'importun, le merle et la merlette, ah ! vite, vite., s'éloignent... et, confus, laissent voir... plus de rouge au visage que de bleu dans l'écuelle...