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Remonter aux sources

On ne sait trop quand sont apparus les premiers courriers du cœur dans la presse mais leur présence dans les médias écrits ou électroniques est marquée par des grandes périodes qui rejoignent les préoccupations sociales. Par exemple, dans les années 1950, l'animatrice Janette Bertrand avait sa chronique dans Le Petit journal. Un autre courrier du cœur, inauguré en 1950 et signé par des chroniqueuses différentes, ouvrait ses colonnes dans La terre de chez nous, un hebdomadaire agricole où Marthe Beaudry (1950-1962), Michelle Roy (1962-1965) et Rosaline Désilets-Ledoux ( 1965 - ? ) s'y sont succédé. En 1968, «Le Courrier de Marie-Josée» dans La Terre de chez nous est une chronique du cœur bien implantée. Le quotidien trifluvien Le Nouvelliste avait aussi depuis 1954 sa chronique «Courrier de Mamie», animée pendant longtemps par Claire Roy qui fut relevée vers la fin des années 1960 par une animatrice aux propos psychologiques plus «modernes». Des études ont d'ailleurs montré que les courriers de la région montréalaise étaient plus libéraux que ceux des régions périphériques (Desjardins, 1992). Des revues comme Châtelaine avait leur chroniqueuse attitrée : Jovette Bernier a signé le Courrier de Jovette de 1960 à 1973.

Les courriers du cœur dans la presse sont certainement antérieurs aux années 1950 mais, faute de données, nous ne pouvons situer précisément leur apparition. Par contre, il est permis de croire que les années de la Deuxième guerre mondiale ont favorisé l'essor de telles chroniques. Les temps sont durs, les hommes sont partis à la guerre, la ville est l'hôte de soldats en uniformes kaki. À la radio, par exemple, cette place publique s'installe dès le début des années 1940 avec des émissions dont la formule est semblable : l'animateur répond en ondes à des lettres sélectionnées qui lui sont adressées et qui touchent diverses questions. Des émissions religieuses, qui fonctionnent sur le mode de la confession, sont d'une certaine façon précurseurs des courriers du cœur. Les deux types, de par leur formule, ne sont pas étrangers. Plusieurs personnes gardent de cette époque le souvenir du père Marcel-Marie Desmarais, o.p. qui animait en 1942 l'émission L'Heure dominicale à Radio-Canada où une partie de l'émission était consacrée à un forum de questions dont les réponses venaient d'invités experts. Futur animateur d'une tribune téléphonique, le père Émile Legault était au nombre de ces experts de l'âme.

Un peu d'histoire

À Québec, au début des années 1940, le poste CHRC présente quotidiennement l'émission Tante Monique qui donne des conseils pratiques sur des questions d'ordre culinaire ou sentimental. Jusqu'en 1948 au moins, la chroniqueuse conseillère, une dame Gagné, conserve son anonymat tandis que Berthe Garneau anime à la même époque l'émission Entre nous mesdames qui porte entre autres sur la mode, l'étiquette et l'apparence. D'une durée de 15 minutes, le Courrier de Margot entre sur les ondes de CHRC le 1er septembre 1941 et s'affiche déjà comme une chronique du cœur et non simplement comme une émission portant sur les besoins de la femme. La chroniqueuse Marguerite Laberge conseille les «cœurs inquiets, brisés et blessés»; elle connaît un grand succès particulièrement pendant les années de guerre où les auditrices trouvaient les relations amoureuses difficiles (La radio à Québec, 1997 : 208-209). Tout comme les courriers du cœur de la presse, l'intérêt de ces émissions repose sur la correspondance entre les animateurs et les auditeurs. Avec le développement des facilités technologiques comme le téléphone, de nouvelles émissions apparaissent et changent les relations avec l'auditoire, relations qui deviennent plus directes. Selon Pierre Pagé, spécialiste de la radio québécoise, la première véritable tribune téléphonique apparaît à Montréal à CKVL en 1959 avec l'émission Madame X animée par Reine Charrier. De 1966 à 1986, Françoise Larochelle-Roy anime pour sa part l'émission À cœur ouvert sur les ondes de CHRC à Québec.

L'arrivée de la télévision en 1952 a certes favorisé le développement de nouvelles formules d'émissions à la radio mais ce sont les années 1960 qui ont permis à la formule des tribunes téléphoniques de prendre leur essor. La fin des années 1960 et les années 1970 correspondent à la période de l'âge d'or des tribunes radiophoniques. Au cours de cette décennie, de nombreuses émissions voient le jour sur des questions aussi variées que l'astrologie, la psychologie, la sexualité, la santé et l'entretien domestique, mais les courriers du cœur y sont encore à l'honneur. Quelques titres témoignent de cette époque florissante : Le père Legault écoute (1967), La ligne sentimentale, Le professeur Gazon, Radio-Sexe (1974), Madame X (1959).

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