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De coutume en culture

L'épluchette de blé d'Inde se définit comme une corvée qui consiste à réunir la famille, les amis et les voisins pour éplucher la provision normale de maïs d'une famille pour l'hiver. Ces veillées de travail sont l'occasion de divertissements par le chant, la danse sans oublier le traditionnel repas de soirée ou le réveillon de nuit, souvent bien arrosé. Le travail se fait dans une animation générale au milieu de joyeux propos, de rires et de tours. La soirée débute par l'effeuillage des épis de blé d'Inde amoncelés au centre de la cuisine, pièce principale de la maison. On se raconte des histoires, on chante des airs connus. À mesure que la corvée avance, les esprits s'échauffent et l'on met à bouillir les plus beaux épis dans de grandes marmites. D'autres seront mangés rôtis ou braisés au four. Quelques épis sont conservés avec leurs feuilles pour le tressage. Quant à l'égrenage, il se fait généralement en frottant deux épis l'un contre l'autre pour les petites récoltes ou selon un procédé plus rapide en raclant les épis un par un sur une lame de fer fixée à un banc.

La description de l'écrivain québécois Léon-Pamphile Lemay parue dans Fêtes et corvées en 1898 fut maintes fois reprise. Cette coutume aurait sans doute eu moins d'intérêt si elle n'avait été agrémentée d'un attrait particulier pour les jeunes gens et les jeunes filles. Les épluchettes étaient au fond l'occasion de rencontres sociales. Comme le dit Lemay, l'espérance qui animait les «éplucheurs» tout au long de la corvée était la découverte d'un épi rouge appelé aussi blé d'Inde d'amour. Celui ou celle qui trouvait cet épi avait le privilège d'embrasser la personne de son choix, le plus souvent l'élu(e) de son c?ur. Une variante voulait que la possession de l'épi rouge investissait son détenteur du privilège de danser avec la fille ou le fils de la maison. Quoi qu'il en soit, ce privilège, plutôt dévolu aux garçons et associé à un geste de galanterie, est d'une origine plus probablement française qu'amérindienne à cause de l'usage du baiser «qui n'était pas courant dans les m?urs autochtones» (Séguin, 1968 : 66). On croyait également que l'épi rouge pouvait porter chance et préserver de la mauvaise fortune celui qui le trouvait. Aujourd'hui, la coutume d'accrocher des épis de couleur séchés comme décoration dans nos maisons serait-elle une récupération de cette croyance ?

Dans la plupart des cultures mexicaines et autres apparentées, le maïs représente le Soleil, le Monde et l'Homme. Il est un symbole de prospérité comme d'autres céréales (Chevalier, 1982 : 603). Tout comme le blé qui assure l'abondance des récoltes et par là symbolise la civilisation, les céréales étaient en quelque sorte vénérées par l'entremise de divinités. Cérès est connue comme la déesse des moissons chez les Romains et est souvent représentée avec une poignée d'épis de blé dans les mains. Cérès fut plus tard assimilée à Déméter, la déesse de la terre cultivée chez les Grecs. L'épi symbolise à la fois la nourriture et la semence (Chevalier, 1982 : 409) et représente la résolution entre le Ciel et la Terre (le bleu du ciel et le rouge de la terre). On attribue à l'épi de maïs coloré une sorte de pouvoir.

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