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Remonter aux sources

Le carême n'a pas toujours débuté à la même période et sa durée a aussi varié. Les premiers chrétiens ignorent même cette coutume et seulement certains apôtres ont pu imiter le jeûne de Jésus. Ce n'est que vers le milieu du IIIe siècle après Jésus-Christ que les autorités religieuses mettent en place le carême et qu'elles instituent la règle de l'abstinence de nourriture et de la pénitence. La liturgie considère alors le carême comme un temps de purification qui peut s'atteindre par la prière et le jeûne. À l'origine, le carême débute quelques jours plus tard dans l'année, soit après le dimanche de la Quadragésime, c'est-à-dire le sixième dimanche avant Pâques. Cela a eu pour effet de concentrer les festivités d'avant-carême aux trois jours gras, d'ailleurs appelés «carême-prenant». Il faut attendre le concile de Bénévent en 1091 pour que le début du carême soit fixé au mercredi des Cendres, aussi appelé «carême-entrant», ce qui engendre une explosion marquée des festivités du carnaval.

Dès le IVe siècle, on atteste un carême d'une durée fixe de quarante jours débutant à la Quadragésime, mais cette coutume n'est établie officiellement que vers le milieu du VIIe siècle. Jusqu'à cette période, le carême varie de trente-six à quarante jours. La discipline du jeûne alors prescrite est très sévère : éviter la viande et tout ce qui provient de la chair, incluant les œufs, le lait, le beurre et le fromage. À partir du IXe siècle, des règles moins rigides concernant le jeûne sont introduites par l'Église. Il est permis de manger du pain et des légumes et plus tard des poissons et des oiseaux aquatiques. L'ensemble des réformes du jeûne du carême a beaucoup varié selon les régions et les époques mais les principes sont demeurés les mêmes. En réalité, même encore de nos jours, le carême commence quarante-six jours avant Pâques alors que les jours de pénitence sont au nombre de quarante; le jeûne a toujours été suspendu les dimanches.

Un peu d'histoire

Dès les débuts de la colonie en Nouvelle-France, le carême est respecté. La période de quarante jours d'austérité est vécue comme un temps de jeûne très sévère si l'on en croit les documents. Sous le Régime français, l'application de la discipline du carême n'est pas seulement une affaire religieuse. Le carême est réglementé par une loi civile et ceux qui se font prendre en défaut sont condamnés par le tribunal seigneurial. Tel est le cas de Louis Gaboury, un habitant de l'Île d'Orléans, qui, en 1670, a été condamné à être exposé publiquement attaché à un poteau et à verser des amendes considérables pour avoir mangé de la viande sans avoir demandé la permission à l'Église. Il a été dénoncé par son voisin. Cet incident historique témoigne de l'importance de l'observation du carême au XVIIe siècle. À cette époque, «faire carême» consiste à «faire maigre et jeûne», c'est-à-dire à ne prendre qu'un seul repas par jour en évitant la viande, les œufs et les laitages ainsi qu'une légère collation à la fin de la journée. Au début du XVIIIe siècle, Mgr de Saint-Vallier, évêque du diocèse de Québec, uniformise les pratiques du jeûne qu'il décrit dans son catéchisme. Le jeûne est obligatoire pour tous les fidèles de 21 ans (l'âge de la majorité à l'époque) à 60 ans qui sont en parfaite santé. Sont exemptés les enfants, les jeunes en pleine croissance et les vieillards, les femmes enceintes, les nourrices, les malades ou les infirmes et ceux dont le travail requiert une alimentation plus soutenue pour bien s'acquitter de leur emploi. Toute personne qui veut se soustraire à l'obligation du jeûne du carême, quelle que soit la raison, doit obtenir le consentement de son confesseur. Si on exclut les laitages et la viande, il ne reste que peu d'aliments pour sustenter les fidèles. À la fin de cette période d'abstinence, ils portent assurément les marques physiques de cette diète, comme l'exprime la locution populaire «face de carême» qui signifie «maigre et pâle, maussade, sinistre». L'expression illustre bien les visages tirés et amaigris de ceux qui maintiennent le jeûne strict. Selon certains écrits faisant référence aux débuts de la colonie, l'usage des œufs et des laitages semble avoir été toléré dans quelques régions notamment à cause de la rigueur du climat.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, l'observance du carême est stricte et se fait tous les jours de la semaine sauf le dimanche. Après cette période austère, la réglementation s'assouplit et le jeûne est obligatoire les mercredis, vendredis et samedis du carême. Les jours où il y a dispense de jeûne, soit les lundis, mardis et jeudis, sont toutefois des jours maigres, c'est-à-dire sans gras. À partir des années 1950, l'obligation du jeûne strict est levée par l'Église. Il est possible de faire son carême en faisant maigre deux ou trois fois par semaine. Aujourd'hui, le carême est plutôt vécu par les pratiquants comme un temps de pénitence où la préparation spirituelle prend toute la place.

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