RDAQ, Le Réseau de diffusion des archives du Québec.
 

Clin d’œil sur nos traditions

Le jeudi de la troisième semaine du carême, appelé mi-carême, est un autre jour où l'on peut momentanément mettre de côté la discipline du carême. Si l'origine de cette fête demeure obscure, la mi-carême est un jour de divertissement qui s'apparente à bien des égards au Mardi gras, notamment par la mascarade. Les deux fêtes appartiennent d'ailleurs au même cycle, celui du carnaval-carême. On a souvent dit de la mi-carême qu'elle était un redoublement du carnaval, spécifiquement des jours gras. Arrivant en plein milieu de la période du carême, la mi-carême permet d'échapper à l'atmosphère austère de privations et de pénitences.

Comme le carême est aujourd'hui moins rigoureux, «casser son carême» par des réjouissances collectives n'est plus nécessaire, ce qui explique la perte de vitesse de la mi-carême au Québec à partir des années 1950.

D'excellents témoignages nous montrent qu'avant cette période, la mi-carême est fêtée avec quelques variantes dans toutes les régions de la province comme la Beauce, au Saguenay, en Gaspésie, à Natashquan sur la Côte-Nord, dans Charlevoix, sur la Côte-Sud et dans le Bas Saint-Laurent. Elle aurait connu des temps forts au début du XXe siècle. Dans la plupart des régions, les festivités se concentrent alors sur une journée, mais dans certains cas, elles peuvent durer quelques jours, voire une semaine. Ce qui est commun à toutes les régions, c'est qu'on se prépare longtemps à l'avance pour fêter la mi-carême. Clandestinement, on met un soin et une ingéniosité à confectionner masques et déguisements qui servent à «courir» la mi-carême, c'est-à-dire à participer à la mascarade de maison en maison. La mascarade est surtout le lot des hommes et des jeunes célibataires. On dit d'ailleurs que c'est la fête des «jeunesses» qui ont besoin de se distraire, d'autant plus que les fréquentations sont souvent suspendues durant le carême. La mascarade leur donne l'occasion «d'aller voir les filles» incognito. Plus tard, les enfants, les hommes mariés et les femmes se joignent aux participants qu'on désigne aussi par le terme mi-carême.

Cette tradition est presque exclusivement rurale et se vit dans des petites communautés. De fabrication artisanale et parfois rudimentaire, les costumes sont simples mais conçus de manière à faire peur. Ils terrifient souvent les enfants. Le but du jeu est de ne pas se faire reconnaître. Il faut donc changer sa démarche, contrefaire sa voix, imiter quelqu'un d'autre du village pour mystifier ceux qui «reçoivent des mi-carêmes». La mascarade consiste en un groupe de personnes déguisées qui passent de porte en porte pour divertir les gens. À chaque maison, le groupe demande : «Recevez-vous des mi-carêmes ? ». S'ils sont admis, ils se promènent au centre de la pièce en chantant, en giguant et en dansant.

Les hôtes essaient de découvrir par toutes sortes de questions ou d'invectives qui se cache derrière le masque. Pour ceux qui sont découverts, la mascarade s'arrête là ; les autres poursuivent leur chemin vers une autre maison. Les visites se terminent la plupart du temps à un endroit où une veillée est préparée. Les mi-carêmes peuvent parfois passer trois fois la même soirée, en changeant d'accoutrement pour mieux mystifier leur public. Le divertissement de la mi-carême est l'occasion d'un grand nombre de secrets et de machinations inimaginables car le défi de passer inconnu auprès des gens qui nous connaissent intimement en est l'attrait principal. 

De nos jours, cette tradition est à peu près disparue mais certaines formes de mi-carême actualisées ont survécu à l'observance du carême. À Fatima aux Îles-de-la-Madeleine de même qu'à Chéticamp en Acadie, la coutume persiste. Transmise par les Acadiens, la mi-carême à Natashquan semble s'être conservée quoiqu'elle ait subi des modifications majeures depuis les années 1950.

À l'Île-aux-Coudres, la coutume occupe une place importante dans la programmation des Marsouineries, une pièce de théâtre qui relate le mode de vie des insulaires du début du siècle. Mais c'est à l'Île-aux-Grues, en face de Montmagny, que la tradition est reprise avec déploiement depuis 1975. C'est avec fierté que les insulaires s'affairent discrètement chaque année à la confection de costumes qui sont devenus plus sophistiqués. Les couturières attitrées de la mascarade conservent tous les accoutrements dans des endroits secrets jusqu'au soir des festivités où les gens de l'île viennent choisir leur costume et s'habiller.

© Le Réseau de diffusion des archives du Québec
Politique de confidentialité