Le corps est omniprésent dans les préoccupations de la vie moderne. Partout on parle du corps, on écrit sur le corps et on montre le corps. Cette obsession se traduit par la fréquentation assidue des clubs d'entraînement et peut aller jusqu'à la prise de stéroïdes pour certains. D'autres suivent la vogue des régimes et diètes, soutenue par une philosophie qui repose sur l'alimentation saine et naturelle, ou subissent des interventions répétées de chirurgie esthétique. Depuis les trente dernières années, le retour en force de la parure et de l'ornementation du corps illustre également un grand souci de l'apparence.
La société axée sur le corps s'inscrit dans un mouvement global et mondial qui s'érige comme un véritable culte. En ce début du XXIe siècle, tout converge vers le corps, matière à transformer et refuge où s'exerce le contrôle. Le culte du corps s'associe au culte de la performance qui tire son origine de l'idéologie de productivité des sociétés industrielles. Celles-ci ont prôné les valeurs de rapidité, d'efficacité et de performance, entraînant un changement de vision et de perception du corps. La valorisation de la force physique comme celle des hommes forts du début du XXe siècle au Québec s'est muée en valorisation esthétique du corps véhiculée entre autres par une discipline comme le culturisme qui repose sur l'apparence. Qu'y a-t-il au juste derrière ces pratiques où le corps est central? Ces mouvements sont-ils simplement des modes passagères ou correspondent-ils à des changements profonds de civilisation? Les transformations du corps sont-elles motivées par une recherche de spiritualité, de marginalisation, de distinction de classe, par un besoin de s'exprimer ou de se différencier sexuellement? On assiste aujourd'hui à l'émergence de pratiques du corps de plus en plus spécialisées ou sophistiquées. D'autres traditions plus séculaires comme le tatouage, le body-piercing et les scarifications sont en recrudescence, surtout en Occident. Récupérés par les médias, ces phénomènes semblent être à la mode.
Le geste de se tatouer ou de se percer n'est jamais anodin. Toutes les modifications ou marques corporelles affirment ou revendiquent des choses de manière plus radicale que le port d'un vêtement ou d'un uniforme. En général, les marques inscrites sur le corps possèdent un caractère indélébile et transforment l'individu de manière permanente. Tantôt facteur d'identification ou signe d'appartenance, tantôt rite de passage ou acte de purification, ces transformations font du corps un objet de revendication sociale, culturelle, sexuelle et idéologique. Par toutes ces pratiques et inscriptions, le corps se fait langage, parole vivante.