Plusieurs hypothèses circulent quant à l'origine de la guignolée. Selon la plupart des écrits, le mot «guignolée», traduit par «aguilanleu», «guillannée», «gui lan leu» ou des termes apparentés dans plusieurs dialectes, signifierait un cri de réjouissance : «au gui l'an neuf». Ce cri serait celui des prêtres gaulois de l'époque druidique prononcé lors de la cueillette du gui sur les chênes de forêts sacrées, à chaque nouvelle année.
Une seconde hypothèse, soutenue par des étymologistes, prétend que la guignolée viendrait plutôt des anciens Phéniciens qui s'envoyaient une fois l'an des pots de blé vert en signe de consolation et de réjouissances. À cette occasion, ils échangeaient la formule : «Eghin on eit» qui voulait dire : «le blé naît, la vie ressuscite».
Par ailleurs, dans certaines provinces de France où la coutume s'est conservée tard au XIXe siècle, les mots «ayilon neu» ou «guillanie» désignaient un aiguillon de bois utilisé pour parcourir les villes et les villages au nouvel an. Les couennes de lard reçues en dons y étaient embrochées.
Parvenue en Nouvelle-France avec les premiers arrivants, la guignolée s'est propagée aux quatre coins de l'Amérique française. Selon les régions et les époques, la guignolée était pratiquée autrefois tout au long du mois de décembre, mais plus particulièrement la journée de la Saint-Sylvestre et la veille de Noël. Cette coutume a toujours été animée par la même intention : fournir aux plus pauvres ce dont ils ont besoin pour bien terminer l'année et pour commencer la nouvelle avec optimisme. La quête se passe dans un esprit joyeux et en cette période de l'année, les gens sont souvent plus généreux et enclins à penser aux autres.
Un peu d'histoire
«Courir la guignolée» se faisait rarement avec discrétion autrefois; cette quête était une sorte de mascarade où l'on entendait d'avance arriver les guignoleux, précédés par des bruits, par le son de leurs clochettes caractéristiques, par de la musique et bien entendu leur chanson de circonstance. En 1857, on rapporte que Montréal vécut une de ses plus belles guignolées : «des bandes de jeunes ont chanté toute la nuit la guignolée avec accompagnement de tambour et de violon, en demandant l'aumône pour les pauvres; des mascarades ont parcouru les places publiques avec musique et drapeaux et les visites ont été plus nombreuses que jamais» (Massicotte, 1922: 367).
Les «guignoleux», souvent déguisés, s'amusaient et se divertissaient tout au long de leurs parcours de quête. Suivant le cérémonial, ils entraient dans une maison pour y recueillir les dons, seulement après avoir été invités formellement par le maître ou la maîtresse de maison qui avait la plupart du temps préparé une collation pour eux. Ils avaient ainsi plus d'une occasion de se réchauffer les pieds et le gosier. Les dons étaient déposés dans un traîneau attelé à un cheval. Parmi les dons les plus appréciés, l'échine de porc (l'échignée, l'échinée ou l'achignée) était spécialement mise de côté lors de la corvée de boucherie du temps des fêtes. Sur un ton humoristique, la chanson de la guignolée rappelle l'importance de cette pièce de choix tant convoitée lors de la cueillette des dons. De voisin en voisin se déplaçait le cortège animé. La guignolée pouvait se poursuivre tard dans la nuit après quoi la collecte était partagée et redistribuée le jour de l'an. Tant à la ville qu'à la campagne, les joyeuses bandes de guignoleux se composaient d'hommes et d'enfants. On ne mentionne jamais que des femmes étaient de la partie. De plus, contrairement à ce qui se passait dans plusieurs provinces de France jusqu'au siècle dernier, cette quête n'était jamais uniquement l'affaire des enfants comme dans le cas de l'Halloween.
La politesse obligeait sans doute quelques guignoleux à accepter un «p'tit verre» offert par le maître ou la maîtresse de maison et certains dépassaient parfois la mesure pour se retrouver ivres en pleine tournée de quête. Des excès de ce genre ont dégénéré en querelle où les vainqueurs s'appropriaient le butin recueilli par d'autres ou gardaient pour eux-mêmes le fruit de la récolte. À Montréal vers 1860 par exemple, le maire de la ville accordait des permis pour courir la guignolée sur des territoires déterminés et distribuait des amendes aux contrevenants. Au cours de cette période, la coutume s'en trouva aussi changée puisque les pauvres eux-mêmes effectuaient la quête. Pis encore, la réglementation ne régla en rien les problèmes d'ivresse et de corps à corps indésirables. Ces situations abusives répétées firent en sorte que la guignolée fut interdite dans plusieurs villes et villages et tomba en désuétude pendant une bonne partie du XIXe siècle.
En 1884, la quête de la guignolée retrouva sa place à Québec, grâce aux voyageurs de commerce. La plupart d'entre eux qu'on disait à l'aise en société et hauts en couleur disposait de temps libre à cette période de l'année. En 1902, lors de la fondation du Cercle des voyageurs de commerce, la guignolée s'avérait pour eux une activité annuelle ininterrompue depuis ses débuts. Associés à la Saint-Vincent-de-Paul, en charge de la redistribution des dons, on peut prétendre que ces volontaires, caractérisés par la tuque et le bas rouge pour recueillir les dons en argent, sont à l'origine de l'institutionnalisation de cette collecte pour les moins bien nantis.