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De coutume en culture

La fête de Pâques appartient à un cycle de fêtes appelé cycle pascal. Celui-ci débute avec le dimanche des Rameaux, c'est-à-dire celui qui précède le dimanche de Pâques, se poursuit avec la Semaine sainte et se termine avec le jour de Pâques. Si les jours saints font l'objet de certaines coutumes et cérémonies, c'est à Pâques que culminent les croyances et les traditions les plus importantes dont le sens n'est compréhensible que dans l'ensemble du cycle pascal. La religion étant omniprésente dans la fête de Pâques, une pratique religieuse populaire s'est développée aux côtés du rituel catholique officiel, qui a donné lieu à des coutumes ou des croyances particulières.

«Pâques fleuries» est une autre désignation du dimanche des Rameaux. Pour les chrétiens, ce dimanche commémore l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem au milieu de la foule venue l'accueillir avec des rameaux de palmiers. C'est pour cette raison que dans la pratique religieuse catholique on conserve la coutume de faire bénir des rameaux pendant la cérémonie liturgique de ce dimanche. En Europe, on prend les rameaux  des oliviers, du buis ou des palmiers. Au Québec, du moins dans les campagnes au début du XXe siècle, la coutume est de prendre des branches de sapin ou d'épinette, encore verts à cette période de l'année car le printemps y est plus tardif. La bénédiction des rameaux se fait au tout début de la cérémonie. Rapportés à la maison après la messe, les rameaux occupent une place de choix et sont conservés avec foi. Tout comme les cierges bénits à la chandeleur, on accorde aux rameaux des vertus protectrices contre les tempêtes, l'orage, la foudre, les maladies ou la mortalité. Trempés dans l'eau bénite, ils acquièrent aux yeux des croyants une protection supplémentaire. On s'en sert pour asperger les fenêtres des maisons ou les malades. Quand ils ne servent pas dans ces rituels de protection, les rameaux sont fixés aux crucifix, au-dessus des cadres des portes des maisons ou des bâtiments de la ferme. On dispose des vieux rameaux ou de celui de l'an passé en le brûlant afin qu'il ne soit pas profané. Certains voient dans cette pratique de purification par le feu, un vestige d'anciens rites païens. Aujourd'hui, la bénédiction des rameaux fait toujours partie du cérémonial du cycle pascal et les palmes, désormais importées et vendues à la porte de l'église, prennent des allures de petit chef-d'œuvre. On en trouve de toutes sortes sur le marché, décorés d'appliques, tressés et travaillés.

La Semaine sainte

Les coutumes de la Semaine sainte touchent particulièrement les journées du Jeudi, du Vendredi et du Samedi saints. Comme dans tout le cycle pascal, les éléments populaires et traditionnels s'y chevauchent mais sont intimement liés à la liturgie qui leur donne sens. Ce qui caractérise d'abord la Semaine sainte c'est un jeûne accentué car, pour les fidèles catholiques, la fête de Pâques nécessite un temps de préparation spirituelle et physique qu'on appelle le carême. Pour les chrétiens, le carême dure quarante jours. Pendant la Semaine sainte, on assiste à tous les offices religieux tout en insistant sur la pénitence et le jeûne. Au Québec jusqu'aux années 1960, les travaux domestiques et ceux de la ferme sont minimaux afin de permettre aux fidèles d'assister aux offices. Au cours de cette semaine, l'Église reprend par sa liturgie les grands événements qui ont marqué les derniers moments de la vie de Jésus. L'office du Jeudi saint commémore le dernier repas du Christ avec ses disciples, appelé dernière Cène, où Jésus a institué l'eucharistie et le sacrement du sacerdoce. C'est aussi à cette occasion que les cloches se taisent jusqu'au Samedi saint. Le silence des cloches à partir du Jeudi saint signifie le respect des derniers moments de la vie de Jésus, puis leur tintement joyeux au dimanche de Pâques accentue la joie des chrétiens devant la Résurrection. Pour expliquer ce silence, on dit généralement que les clochent s'envolent pour Rome. D'ailleurs l'iconographie religieuse les représente souvent avec des ailes. L'imagination populaire a aussi échafaudé plusieurs hypothèses sur ce qu'elles vont faire à Rome. Pour les uns, les cloches vont à Rome «faire leurs pâques», c'est-à-dire se confesser ou se faire bénir par le Pape. Pour d'autres, elles vont chercher des œufs qu'elles distribueront du haut des airs à leur retour. Dans les villes où les paroisses sont plus rapprochées, il est coutume de visiter sept églises le Jeudi saint pour faire des prières.

Le Vendredi saint, jour de la condamnation et de la crucifixion de Jésus est un jour de grand deuil pour les chrétiens. Encore aujourd'hui, cette journée est un congé férié à certains endroits. Les fidèles ont l'obligation de se rendre à l'office du Vendredi saint pour la lecture de la Passion et pour faire le chemin de la croix. Cette cérémonie veut commémorer le chemin parcouru par Jésus lors de sa montée au Calvaire où il a été crucifié. Le chemin de croix que l'on connaît encore actuellement remonte au tout début du XVIe siècle et comporte quatorze tableaux représentant les stations ou les étapes du parcours de Jésus, ses chutes en portant sa croix et ses rencontres. Toutes les églises catholiques ont sur leurs murs des œuvres d'artistes qui ont réalisé ces quatorze tableaux constituant un chemin de croix. Le Vendredi saint, les fidèles ont coutume de se rendre à l'église et de s'arrêter pour prier devant chacune de ces quatorze scènes. Ceux qui ne peuvent se libérer ont le devoir d'observer une minute de silence à quinze heures précises, moment où Jésus serait mort. Dans les pays latins, comme l'Espagne et l'Italie, le chemin de croix a pris une forme plus théâtrale qui a donné naissance à des grandes processions où les pèlerins figurants jouent l'itinéraire de Jésus portant sa croix. Cette façon de vivre sa foi pascale a gagné de nos jours plusieurs adeptes et cette manifestation du chemin de croix est visible à Québec et à Montréal.

Le Vendredi saint est aussi une journée où le jeûne doit spécialement être respecté. D'ailleurs, avec tous les changements et les assouplissements de l'Église dans les préceptes religieux, deux journées dans l'année sont demeurées «maigre et jeûne» obligatoire, soit le mercredi des Cendres et le Vendredi saint. Pour accentuer la pénitence, certains prennent même leur repas maigre dans une position inconfortable. En raison de son caractère tragique, cette journée a acquis une réputation néfaste qui s'est traduite par des interdits et de nombreuses croyances populaires. Celles autour du Vendredi saint sont plutôt des mises en garde pour éviter la malchance et les désappointements, mais elles comportent aussi leurs aspects positifs.

Quant au Samedi saint ou vigile pascale, c'est une journée très remplie dont l'atmosphère anticipe sur la joie pascale. Les offices et cérémonies du Samedi saint sont les plus longs et sont ponctués de rites symboliques comme la bénédiction du feu nouveau représenté par un grand cierge pascal. Suit la cérémonie de la bénédiction de l'eau et des fonts baptismaux et parfois, lorsque c'est possible, un baptême est célébré. Le déroulement et l'horaire de ces cérémonies a varié selon les époques et l'usage les a fait rassembler de nos jours à la veillée pascale. C'est aussi le Samedi saint que les cloches reviennent de Rome et se mettent à sonner pour annoncer la résurrection de Jésus. Leur signal signifie la levée des interdits et des privations, le retour à la vie quotidienne. Le carême s'achève à la fin de cette journée.

Le dimanche de Pâques

Le dimanche de Pâques est une journée particulièrement colorée et fleurie où règne une atmosphère joyeuse et pleine d'effervescence. Fête du renouveau qui annonce le printemps, Pâques est l'occasion d'exhiber des toilettes neuves et d'offrir des fleurs à ceux qu'on aime. Les boutiques et vitrines des magasins sont décorées de fleurs de papier aux couleurs à dominante de violet et de jaune, l'une et l'autre symbolisant respectivement la mort et la lumière. Au Québec, où la tenue des marchés publics en plein air est suspendue pendant la saison hivernale, le marché de Pâques marque la reprise des activités commerciales. Des témoignages confirment que le marché de Pâques au XIXe et au XXe siècle est un événement à ne pas manquer où tous les producteurs retrouvent leurs clients dans un décor tapissé de fleurs artificielles où brides et voitures à chevaux sont aussi décorées. Au marché de Pâques, la vie urbaine reprend son cours normal. Les fleurs pascales correspondent à celles que l'on retrouve naturellement au début du printemps. Parmi les favorites, il y a les marguerites et les tulipes mais celles qui ont la faveur sont les lys. «Le lis est synonyme de blancheur et, en conséquence, de pureté, d'innocence, de virginité. (...) Dans la tradition biblique, le lis est le symbole de l'élection, du choix de l'être aimé. Tel fut le privilège d'Israël parmi les nations, de la Vierge Marie parmi les femmes d'Israël. (...) Le lis symbolise aussi l'abandon à la volonté de Dieu, c'est-à-dire à la Providence» (Chevalier, 1982 : 577-578). Selon certains héraldistes, le lys est considéré comme l'emblème des rois de France puis comme l'emblème du Québec. Il apparaît d'ailleurs sur le drapeau québécois aussi appelé fleurdelisé. Qu'on l'ait confondu ou non avec l'iris versicolore, le lys est aussi associé à saint Joseph, choisi comme père nourricier de Jésus. Dans l'iconographie religieuse, saint Joseph est souvent représenté tenant un lys à la main. Il est d'ailleurs consacré par les Pères Récollets en 1624 comme le patron des Canadiens à l'époque de la Nouvelle-France. Saint Joseph partage son titre avec saint Jean-Baptiste qu'on considère aussi patron des Canadiens français. La fête de saint Joseph, célébrée le 19 mars, garde un caractère populaire et religieux alors que la Saint-Jean-Baptiste est désignée fête nationale. Les fleurs pascales sont aussi à l'honneur aux États-Unis. À New York par exemple a lieu chaque année la traditionnelle parade des chapeaux fleuris sur la 5e avenue. Spectaculaire, cette parade de gens qui exhibent des chapeaux tous plus originaux les uns que les autres se déroule de façon informelle et s'apparente davantage à un défilé de mode.

Jusqu'au milieu des années 1960, période qui coïncide avec des réformes importantes de la pratique religieuse au Québec, le chapeau est un élément indispensable de la fête de Pâques. Les femmes surtout, qui ont jusque-là l'obligation de se coiffer pour entrer dans l'église et assister aux offices, allient la coquetterie au respect des prescriptions religieuses. Le discours publicitaire des grands magasins, pour qui la conformité aux coutumes, spécialement dans le temps de Pâques, permet de faire des affaires d'or, est d'ailleurs axé sur ce propos. À Pâques, il est donc d'usage de porter un chapeau, fleuri ou non, de fine toile ou de paille même si l'été n'est pas arrivé; l'important est qu'il soit neuf ou rafraîchi. Indispensable à la toilette féminine, cet accessoire est jusqu'à tout récemment une façon de saluer la venue du printemps. Pour d'autres, comme les enfants, la coutume est d'étrenner un vêtement neuf le jour de Pâques. Celle-ci tire probablement son origine du fait que Pâques a longtemps été la date du commencement de l'année avec ses étrennes du premier jour de l'an, dont elle aurait gardé la trace. Une autre hypothèse associe le fait de porter des vêtements neufs aux nouveaux baptisés de la vigile pascale. Lors de cette cérémonie, on les revêt de robes blanches pour symboliser la «vie nouvelle» accordée par le Christ ressuscité. L'envoi de cartes de souhaits portant l'inscription «Joyeuses Pâques» est aussi une coutume dérivée de l'association de la fête de Pâques au commencement de l'année. Si cet usage est aujourd'hui presque disparu, il a toutefois connu une grande popularité à l'époque industrielle, du moins au Québec. La confection de cartes de souhaits pour Pâques occupe encore l'heure de bricolage des élèves du primaire, et ce depuis les années 1930.

Le dîner de Pâques est particulièrement copieux. Comme il constitue le premier véritable repas après un carême de quarante jours, il se déroule sous le signe de l'abondance. Dans plusieurs pays d'Europe, l'agneau est le principal mets non seulement dans la tradition juive mais aussi chez les chrétiens pour qui l'agneau évoque le Christ. Au Québec, c'est plutôt le porc qui est à l'honneur. Au menu du repas principal du dimanche, on retrouve le traditionnel jambon de Pâques apprêté selon les variantes régionales au clou de girofle, au sirop d'érable en saison ou dans une sauce à l'ananas. Hormis les friandises et confiseries en chocolat qui garnissent les tables, les œufs font partie de la fête. On les trouve sous plusieurs formes : œufs durs, omelette, œufs en chocolat, œufs peints à manger.

En Europe, une tradition consiste à ce que les enfants cherchent les œufs cachés dans les jardins le matin de Pâques ou à ce qu'ils fassent la quête de ferme en ferme pour les obtenir. Cette chasse aux œufs est reprise dans certaines familles au Québec, mais ceux-ci sont cachés à l'intérieur des maisons. Offrir des œufs aux adultes comme aux enfants est une coutume qui remonte aux débuts de l'ère chrétienne et est directement en lien avec le carême. Dans sa période la plus rigoriste, l'Église interdit de consommer les œufs pendant ce temps de pénitence. Cela entraîne donc une grande quantité d'œufs que l'on entasse parmi les provisions. Le meilleur moyen de liquider cette réserve d'œufs accumulée pendant le carême est d'en faire don à Pâques. Teints et décorés, les œufs ont pris plus facilement l'apparence de cadeaux et de surprises. Depuis que le carême s'est adouci, l'usage a perdu son intérêt mais a subsisté sous une autre forme. À l'ère industrielle, les œufs en sucre et en chocolat se sont rapidement popularisés et sont toujours attendus de nos jours. La symbolique de l'œuf à travers les âges a sans doute contribué à l'établissement de cette coutume. Depuis l'Antiquité, il est le symbole de la fécondité, du renouveau, de l'éternité et du printemps. Avec le christianisme, l'œuf acquiert un caractère religieux; il devient symbole de la résurrection. Les œufs teints en rouge évoquent en ce sens  le sang du Christ ressuscité.

Contrairement à une vieille croyance, ce n'est pas le lapin de Pâques qui pond les œufs mais son origine vient d'une légende allemande. Des enfants l'auraient jadis aperçu sortant d'un filet qui contenait des œufs peints au moment où ils étaient en quête de leurs cadeaux dans le jardin au matin de Pâques. Les enfants ont convenu que le lapin avait apporté les œufs et les avait déposés dans les filets pour Pâques. En France, on dit aux enfants que les œufs de Pâques sont jetés des airs par les cloches qui reviennent de Rome.

La tradition des œufs décorés par des artistes a cours dans plusieurs pays notamment en Ukraine et en Tchécoslovaquie. Cette tradition comporte des techniques très particulières comme la gravure, la gouache ou la cire chaude. Chaque œuf ainsi décoré est un chef-d'œuvre de minutie et de patience qui fait la joie des collectionneurs.

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