Depuis l'Antiquité, il existe plusieurs rituels d'actes de remerciements mais aucun n'a donné lieu, même à l'ère chrétienne, à une cérémonie formelle fixée au calendrier. Diverses initiatives voient le jour ici et là mais à partir du Moyen Âge, on commence à voir apparaître des manifestations pour célébrer une fête d'action de grâces à un moment précis de l'année. Ce moment fut déterminé dans bien des endroits en même temps par la période de la moisson.
Pour les Celtes et les Slaves, la coutume était liée à la croyance d'une mère des semences tandis qu'en France et en d'autres pays d'Europe, la plus connue des célébrations des moissons se faisait le 11 novembre, jour de la fête de saint Martin. Au Moyen Âge, c'est donc la Saint-Martin qui tenait lieu de jour d'actions de grâces. Il faut attendre le XVIIe siècle pour qu'apparaissent à une date fixe du calendrier d'autres rites de reconnaissance envers Dieu.
Un peu d'histoire
Le Thanksgiving Day américain se distingue du jour de l'Action de grâces célébré au Canada. Les deux fêtes sont semblables et leur but ultime est le même quoi que leurs origines reposent sur des faits historiques différents.
Aux États-Unis, le Thanksgiving Day est une fête nationale chômée et ce congé arrive le dernier jeudi de novembre. Fête de l'Union, le Thanksgiving Day souligne la reconnaissance du peuple américain envers Dieu pour tous les bienfaits dont la nation a bénéficié. Célébrée pour la première fois en 1621 à Plymouth (Massachusetts) en Nouvelle-Angleterre, ce n'est qu'en 1863 que la fête est proclamée fête nationale.
L'histoire nous rapporte que des colons anglais, mieux connus sous le nom de Pères Pèlerins (Pilgrim Fathers), s'enfuirent de l'Angleterre où ils étaient victimes de persécutions religieuses et émigrèrent en Amérique dans le but de trouver une liberté de culte. Ces protestants voulaient pratiquer un christianisme plus pur. En 1620, ils s'embarquèrent sur le Mayflower depuis le port de Plymouth (Angleterre) pour la grande traversée vers l'Amérique à destination de la colonie anglaise de Jamestown en Virginie. La traversée fut difficile et ils débarquèrent plus au nord dans la baie dite «de Massachusetts» qu'ils baptisèrent Plymouth par la suite. Arrivés à la fin de l'automne, les colons affrontèrent le climat hostile et le sol aride et l'on raconte que plus de la moitié d'entre eux ne survécut pas au premier hiver. Au contact des Amérindiens, ils apprirent à chasser le gibier puis à cultiver le maïs, une ressource du nouveau continent. L'automne qui suivit amena une récolte abondante de sorte que les Pères Pèlerins décidèrent de rendre grâce à Dieu, persuadés qu'ils avaient survécu à la famine, à la maladie et aux hostilités envers les Amérindiens grâce à la Providence. Les festivités auraient duré une semaine entière, la nourriture y était abondante, spécialement le dindon sauvage et le maïs sous toutes ses formes. Ainsi fut célébré en 1621 le premier Thanksgiving Day.
Jusqu'en 1789, des journées d'Action de grâces avaient lieu sporadiquement et de façon locale. Lorsque les récoltes étaient moins abondantes ou que les colons faisaient face à la sécheresse, la fête n'était pas célébrée. Aussi, mis à part les initiatives locales, le Thanksgiving Day faisait chaque année l'objet d'une proclamation officielle par le Président à qui revenait le droit de fixer cette date. Au XVIIIe siècle, George Washington adopta le jeudi 26 novembre 1789 comme journée officielle. Il faudra cependant attendre le 3 octobre 1863 pour que le président Abraham Lincoln fixe au quatrième jeudi de novembre le Thanksgiving Day et en fasse une fête nationale.
Aux États-Unis, les festivités comprennent un menu traditionnel composé de mets qui rappellent la première récolte des Pèlerins de 1621 : on y retrouve la fameuse dinde farcie avec sauce ou confitures de canneberges, patates douces, maïs, courges et tarte à la citrouille. C'est encore en Nouvelle-Angleterre que le Thanksgiving Day est célébré avec la plus grande ferveur et depuis 1924, les grands magasins Macy's offrent la traditionnelle parade sur Fifth Avenue à New York où défilent fanfares, artistes du show business, chars allégoriques et gigantesques ballons.
Depuis l'époque de la Nouvelle-France, il y eut au Canada des rites d'action de grâces célébrés localement pour l'abondance des récoltes, mais aucune journée précise n'y est consacrée avant le XVIIIe siècle. La fête fait son apparition vers les années 1750 en Nouvelle-Écosse où elle est introduite par les Loyalistes. Comme aux États-Unis, la date qui fixe le jour de l'Action de grâces est établie annuellement par proclamation émanant du Parlement.
Une première proclamation émise en 1799 souligne la victoire du royaume puis, jusqu'en 1867, le jour de l'Action de grâces est fixé irrégulièrement à n'importe quel moment de l'année, indépendamment des saisons. Apparemment, les raisons de célébrer le jour de l'Action de grâces varient d'une année à l'autre. On célèbre autant la fin d'une épidémie, le rétablissement de la paix que des aspects plus généraux comme les grâces divines ou une récolte abondante.
À partir de la Confédération, la date de célébration, toujours fixée par proclamation, se précise. Le 15 avril 1872, à l'occasion de la guérison du Prince de Galles atteint d'une grave maladie, on célèbre l'action de grâces un lundi. Par la suite, aucune trace de cette fête jusqu'en 1879. À partir de 1879, elle est fêtée régulièrement tous les ans, le plus souvent un jeudi de novembre ou d'octobre, avant d'être fixée de façon permanente au deuxième lundi d'octobre en 1957. Dès 1879, la fête revêt un caractère national plutôt que religieux.
De 1879 à 1898 : Fêté un jeudi de novembre
De 1899 à 1907 : Fêté un jeudi d'octobre sauf en 1901 et 1904 où fêté un jeudi de novembre
De 1908 à 1921 : Fêté un lundi d'octobre
De 1921 à 1930 : Fêté le lundi de la semaine du 11 novembre, i.e. en même temps que le Jour de l'Armistice
En 1931, le Parlement adopte une loi modifiant la Loi du Jour de l'Armistice qui fixe définitivement l'anniversaire de l'Armistice au 11 novembre appelé désormais Jour du Souvenir. À partir de cette date, les deux fêtes sont dissociées et le jour de l'Action de grâces est fixé à nouveau par proclamation. La fête est alors soulignée le deuxième lundi d'octobre sauf en 1935 où cette date coïncide avec les élections générales. Elle est alors remise au jeudi 24 octobre mais il en résulte une grande controverse. Pendant les vingt années qui suivent, de 1936 à 1956, elle est désignée au deuxième lundi d'octobre par proclamation annuelle pour ensuite être fixée à la même date mais de façon permanente en 1957.
De 1879 à 1920, le Jour de l'Action de grâces a officiellement comme finalité une récolte abondante. Jusqu'en 1930, on rend grâce pour la fin de la première guerre mondiale puisque la fête coïncide avec le jour de l'Armistice et à partir de 1931, la raison officielle de célébrer est de rendre grâces au Dieu tout-puissant des bienfaits dont jouit le peuple du Canada.
Au Canada, à part faire référence à un congé férié chômé, le jour de l'Action de grâces ne fait pas l'objet de manifestations populaires. Contrairement aux États-Unis, aucune tradition festive ne lui est associée. La fête est devenue civile et n'a plus qu'un rapport très lointain avec la fin des récoltes ; son côté religieux n'est guère conservé que dans son appellation.