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De coutume en culture

La fête de la moisson

Rendre grâce pour l'abondance des récoltes, tel était le but de la fête de la moisson qui avait lieu, comme son nom l'indique, à cette période. Reconnue comme une coutume française, la fête de la moisson n'a cependant laissé aucune trace dans la mythologie gauloise ni dans les textes ou illustrations du Moyen Âge comme si on avait voulu faire croire qu'il s'agissait d'anciens cultes païens christianisés. Or, des manifestations semblables ont été trouvées chez les Hébreux et dans les pays slaves où elles ont été popularisées à la période de la Renaissance. D'origine obscure, il est cependant plus probable que ces fêtes nous soient parvenues par le biais de la France plutôt que par l'Angleterre.

Plusieurs traditions marquant la fin des moissons subsistent en Normandie. Ces fêtes comprennent des rites qui suivent chacune des étapes de la moisson. Dans certaines régions, les récoltes amènent un surcroît de travail et il est parfois nécessaire d'engager du personnel supplémentaire pour mener à bien les récoltes dans un délai fixé par l'approche de l'hiver. On appelait ces travailleurs saisonniers les Aoûteux.

Les fêtes de la moisson étaient habituellement célébrées par une messe suivie de jeux et de danses et se terminaient par un repas. Les festivités pouvaient avoir lieu le dernier jour du fauchage ou lorsqu'on avait fini de rentrer le blé. Cependant, ces traditions ont perduré tant que le travail aux champs était manuel. La mécanisation des travaux a contribué à rendre moins vivaces ces fêtes et ces corvées pour lesquelles tous les membres de la famille, les engagés et parfois même le voisinage étaient monopolisés.

Aucune manifestation de la fête des moissons n'a été retracée aux XVIIe et XVIIIe siècles en Nouvelle-France mais on trouve quelques mentions au XIXe siècle où elle est encore observée, notamment dans l'ouvrage de Pamphile Lemay, publié en 1898 et intitulé Fêtes et corvées. Au Québec, les manifestations autour des moissons sont mieux connues sous le nom de la grosse gerbe. Depuis trois ans cependant, une Fête des moissons a lieu à Saint-Joseph de Beauce. Cet événement familial prend place au début de septembre et vise à faire connaître les produits cultivés dans cette région. C'est l'occasion pour plusieurs producteurs d'offrir leurs produits frais du jour et leurs spécialités. Les visiteurs en profitent alors pour faire des provisions et même achètent de quoi faire des conserves.

Ailleurs dans le monde, d'autres cultures observent des rites d'action de grâces pour les récoltes. Dans la Chine ancienne, la fête de la moisson trouvait son équivalent avec la fête de la Lune d'automne ou fête de la Mi-automne. Les Chinois à l'étranger la célèbrent encore de nos jours par un spectaculaire défilé et la danse du lion. Le Trung-Thu (signifiant respectivement «milieu» et «automne») est la version vietnamienne de cette fête alors que le Chusok est célébré en Corée pour les mêmes raisons. Sorte de festival des moissons, la fête des Tabernacles en est le pendant juif.

La grosse gerbe

La gerbe est le symbole de la moisson, de l'abondance et de la prospérité. Elle représente toute l'énergie de la végétation et revêt au plan magico-religieux l'image de la force sacrée qui protège contre les maladies. La gerbe est aussi signe de nourriture et lorsqu'elle est liée, c'est-à-dire que plusieurs javelles sont regroupées pour former un seul faisceau ou bouquet, elle symbolise alors la puissance qui résulte de l'union.

Parmi les coutumes reliées à la végétation, certaines célèbrent la première ou la dernière gerbe selon que l'on est au début ou à la fin des moissons. Dans certaines régions de la France, on laissait aux champs la dernière gerbe car elle était censée contenir l'esprit du blé. On chantait et dansait autour de la gerbe afin de marquer la fin des travaux mais aussi pour remercier Dieu de la récolte.

En France comme au Québec, la dernière gerbe est liée, souvent décorée de fleurs et de rubans, installée au milieu d'une charrette et ramenée à la maison dans une sorte de cortège formé des moissonneurs. Elle est parfois offerte à l'église paroissiale pour décorer lors de la messe de la moisson qui ouvre les festivités. Le bouquet de la dernière gerbe prend parfois la forme d'une croix, de couronnes ou encore de tresses de paille qui peuvent être conservées en signe de protection (Fêtes de la moisson en Normandie, 1977 : 13-18). Plus anciennement comme chez les Celtes par exemple, la dernière gerbe était assemblée sous la forme d'une poupée de paille qui personnifiait une divinité de la végétation appelée «mère des semences» (Weiser, 1960 : 235).

Au Québec, la fête de la grosse gerbe a été célébrée à maintes reprises depuis 1883 par l'École supérieure d'Agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière qui se faisait un honneur d'offrir à la communauté un banquet suivi d'une soirée récréative rappelant l'esprit des veillées de famille. Cette fête semble avoir fait partie des traditions de l'institution jusqu'au milieu du XXe siècle (L'Action catholique, 1947). La pratique de cette fête a aussi été retracée dans les cahiers de prônes du curé Eustache Santerre de la paroisse Saint-Arsène de Rivière-du-Loup (1923-1942). La fête de la grosse gerbe était célébrée par une soirée à la salle paroissiale. Faite de blé, d'avoine et d'orge, la gerbe était fabriquée et décorée pour l'occasion par la présidente des Enfants de Marie.

Aujourd'hui la fin des récoltes n'est plus marquée comme autrefois par un repas fastueux qui soulignait l'abondance de la nourriture. Les récoltes sont plus étendues dans le temps et la mécanisation des travaux a considérablement modifié les façons de faire. Malgré tout, une tradition de l'époque des corvées persiste encore de nos jours : la coutume des épluchettes de blé d'Inde.

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