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Remonter aux sources

Le moulin banal

Le 10 avril 1743, les pères jésuites louent leur moulin à blé de l'Ancienne-Lorette, dans la seigneurie de Saint-Gabriel, au meunier Louis Déry. Par ce bail, d'une durée de neuf ans, Déry s'engage à moudre le blé, à entretenir le moulin et à payer aux jésuites 300 minots de blé par année sur lesquels il ne percevra aucun droit de mouture. Il lui sera fourni annuellement 30 pots d'huile de poix et 30 cordes de bois.

En tant que seigneurs, les jésuites ont l'obligation de maintenir en fonction un moulin banal à l'usage de leurs censitaires. Par ailleurs, ces derniers sont tenus d'y apporter leur grain sous peine d'amende ou de confiscation. Toutefois, ils peuvent s'adresser ailleurs si le blé n'est pas moulu 48 heures après son arrivée. Un droit de mouture, correspondant au quatorzième de la production, est perçu tel que cela est inscrit dans l'acte de concession. Le meunier, quant à lui, est tenu de peser le blé «avec un brancard et des poids étalonnés». De plus, la qualité des farines relève du maître du moulin ainsi qu'en témoignent plusieurs ordonnances et jugements. Sur plaintes des habitants, l'intendant peut nommer des experts pour juger du bon état du moulin. À partir de 1732, plusieurs moulins seront munis de cribles cylindriques destinés à épurer le blé de la poussière et des mauvaises graines pour assurer une meilleure farine.

Le moulin banal fait partie intégrante du paysage de la seigneurie. C'est le droit exclusif du seigneur de l'exploiter, à moins qu'il ne cède son droit à un particulier. Parallèlement, d'autres moulins seront construits afin de répondre aux besoins des habitants. Nous retrouvons, outre les moulins à farine, des moulins à scie, nécessaires à la fabrication de planches, et des moulins à tan destinés à produire le tanin utilisé pour le traitement des peaux. La plupart des moulins profiteront des nombreux cours d'eau pour fonctionner, certains utiliseront le vent. En 1721, on ne compte pas moins de 120 moulins dans la colonie.

(Ce texte est une collaboration de l'archiviste Renée Lachance des Archives nationales du Québec à Québec.)

S'engager pour l'Ouest

Le commerce des fourrures constitue tout au long de l'histoire de la Nouvelle-France le moteur de l'économie. En 1739, les pelleteries comptent pour 70 p. 100 des exportations canadiennes. À cette époque, 200 000 à 400 000 peaux sont alors expédiées annuellement en France et sans doute autant sont envoyées en contrebande à Albany dans l'État de New York. Cette surexploitation de la ressource oblige les Canadiens à se rendre toujours de plus en plus loin vers l'ouest et le nord pour en faire le commerce avec les Amérindiens.

Ces grands voyageurs dont la vie aventureuse a souvent inspiré les auteurs se divisent en deux groupes : d'une part, les coureurs des bois qui vont faire le commerce des fourrures sans posséder d'autorisation et, d'autre part, les voyageurs et les engagés qui travaillent pour le compte de traiteurs accrédités. Ils quittent Montréal à bord de canots d'écorce de 4 à 7 mètres pouvant emporter jusqu'à trois tonnes de marchandises.

Jean-Baptiste Brassard, habitant de la ville de Québec, fait partie des voyageurs qui, en mars 1695, s'engagent pour le printemps et l'été envers Louis Dupuy dit Parisien. Les effets servant à les équiper et les marchandises nécessaires à la traite des fourrures seront fournies par le marchand québécois François Hazeur qui devient ainsi le «bourgeois» de l'expédition. En compagnie de Dupuy et de ses «six autres Engagés Canetier», Brassard devra «faire Le Voyage pour aller au pays des outaouais mener en Canot Les Marchandises que Led. Dupuy y Voudra porter ou Faire monter». Michilimakinac, poste stratégique au coeur des Grands Lacs et centre majeur de la traite, est sans doute le lieu de rendez-vous. Brassard promet d'avoir un soin particulier des marchandises, castors et autres effets de Dupuy si Dieu dispose de ce dernier pendant le cours du voyage et d'en «faire les retours et payemens au marchand Hazeur. Brassard fait également la promesse de monter avec le convoi qui regroupe plusieurs voyageurs puisque la guerre contre les Iroquois rend le trajet insécure. Enfin, au retour de l'expédition, il recevra la somme de 300 livres. Le cas de Brassard n'est pas unique. Ainsi, entre 1701 et 1745, on dénombre dans les archives notariales 5 964 engagements pour la traite des fourrures.

(Ce texte est une collaboration de l'archiviste Rénald Lessard des Archives nationales du Québec à Québec.)

Des «tocsons» au collège des jésuites

Le promeneur, habitué des rues du Vieux-Québec, aura sans doute été intrigué par le curieux monument placé sur la pelouse à l'entrée de l'hôtel de ville. Il s'agit des pierres qui formaient le fronton triangulaire placé au-dessus de l'entrée du collège des jésuites. Construit sur le site actuel de l'hôtel de ville à partir de 1647, puis agrandi et remanié à plusieurs reprises, le vieux collège a finalement été démoli en 1878.

En quelque sorte le pivot de l'instruction en Nouvelle-France, il accueillait les élèves qui avaient réussi leurs études dans l'une ou l'autre des écoles primaires, une trentaine en tout, alors dispersées de Québec à Montréal. Comme dans les meilleurs collèges de France, on y apprenait la grammaire, les humanités, la rhétorique et la philosophie. Le latin, le français et, dans une moindre mesure, le grec y étaient pratiqués. Bien plus, on y forma une école supérieure de sciences, notamment en mathématiques, en hydrographie et en arpentage, toutes sciences éminemment utiles dans un pays neuf, regorgeant de lacs et de rivières navigables. Enfin, les élèves appelés à la prêtrise, tout en résidant au séminaire de Québec, suivaient au collège les cours préparatoires au sacerdoce.

Comme le rapportait le juge Adjutor Rivard lors de l'inauguration du collège Saint-Charles-Garnier, le 25 septembre 1935, il y avait au collège des jésuites de bons élèves, tel ce Jean-Joseph Roy «doué d'un talent remarquable et de dispositions naturelles heureuses», et de moins bons «ensevelis sous la plus honteuse paresse et dans l'imposture la plus effroyable [qui] ont à juste titre mérité le surnom de tocsons».

Ces «tocsons» furent, heureusement, sans doute l'exception puisqu'ils n'ont pas entaché l'oeuvre plus que centenaire des éducateurs jésuites, laquelle, au dire de l'historien Louis-Philippe Audet, «fut la source même de la pérennité de la race française en terre d'Amérique».

(Ce texte est une collaboration de l'archiviste Gilles Héon des Archives nationales du Québec à Québec.)

Les enfants du roi

En cette année 1730, le jeune Simon, âgé d'un an et demi, fils illégitime d'un père vagabond et fugitif et d'une mère mendiante, sera confié à Louise Lesueur, nourrice.  Elle s'engage à «avoir soin du dit enfant, le nourrir et entretenir tant en santé qu'en maladie, l'élever et instruire selon la religion catholique, apostolique et romaine, l'envoyer au service divin et catéchisme et faire faire sa première communion, lui apprendre à gagner sa vie honnêtement [...] jusqu'à l'âge de dix-huit ans». La dite Lesueur recevra en paiement la somme de 170 livres du directeur receveur général du Domaine d'Occident.

À l'instar de Simon, nombre d'enfants abandonnés, trouvés ou naturels seront pris en charge par l'État. La mesure en question a surtout pour objet d'assurer la survie des enfants illégitimes chez qui on constate un taux supérieur de mortalité infantile. Dans une ordonnance de 1722, se référant à l'Édit d'Henri II qui punissait de mort l'infanticide, l'intendant Hocquart confirme le souci de l'État d'assurer «non seulement la vie mais le salut de plusieurs enfants qui périssent malheureusement sans le baptême» et décrète que toutes les filles-mères devront déclarer leur grossesse ainsi que la naissance de l'enfant et le porter à l'église pour être baptisé, outre qu'il est défendu de remettre les enfants aux «sauvages». Les enfants seront alors confiés à une nourrice, choisie par les procureurs du roi, par contrat d'engagement d'une durée variant de dix-huit à vingt ans.

(Ce texte est une collaboration de l'archiviste Renée Lachance des Archives nationales du Québec à Québec.)

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