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De coutume en culture

C'est au mois de mai à l'occasion du renouveau printanier que la corvée du grand ménage s'insère dans les activités domestiques. D'abord, la coutume consiste à nettoyer la maison de fond en comble et ce rôle est traditionnellement dévolu aux femmes. Le grand ménage comprend le nettoyage des planchers, des murs et des plafonds, des armoires et ce qu'elles logent. Le chauffage au bois ou au charbon pendant tout l'hiver a suffisamment laissé de traces de suie qu'il vaut la peine de tout rafraîchir à grande eau. Les tuyaux de poêle qui traversent toutes les pièces de la maison ou de l'appartement de ville sont nettoyés et ramonés. On polit le dessus du poêle à bois. Les matelas sont secoués et, à une certaine époque, on en profitait pour renouveler la paille des paillasses. Les tapis et catalognes sont dépoussiérés à l'aide d'un battoir et on aère les couvertures de laine. Avant de ranger les vêtements d'hiver, il faut aussi faire un grand lavage. Cette corvée consiste à faire bouillir le linge - literie, nappes, rideaux, toiles - dans de grands chaudrons en plein air où plusieurs voisines se regroupent pour travailler. On choisit une journée de beau temps et après avoir battu le linge, opération qui remplace le frottage à la main, et l'avoir rincé, il est étendu sur l'herbe ou suspendu aux arbustes pour le séchage. En ville, la corvée du grand lavage est plutôt individuelle à chaque famille. Au mois de mai, les cordes à linge des arrière-cours sont garnies jour après jour de tout le linge de la maisonnée.

Au Nouveau-Brunswick, la coutume du grand ménage a donné lieu à une fête bien originale qu'on appelle la fête des arbres. Il s'agit ni plus ni moins d'une grande corvée pour faire le ménage de l'intérieur et de l'extérieur de l'école. Une journée de mai, les élèves apportent à l'école tout ce qu'il faut pour faire le ménage. Râteaux, brouettes et pelles accaparent les garçons tandis que les filles se munissent de chaudières, de savon, de brosses à plancher, de linges et de guenilles. La journée se passe à laver les fenêtres, les pupitres, les tableaux, les murs et les planchers pendant que les garçons nettoient la cour de l'école en enlevant les grosses roches et les morceaux de bois ou autres détritus qui traînent. Le midi, c'est l'occasion d'aller pique-niquer dans les bois avec l'institutrice et les élèves ramènent des arbres qu'ils plantent au retour dans la cour de l'école. Le travail fini, c'est congé le reste de la journée et l'institutrice permet aux enfants de manger des friandises comme des bonbons ou du sucre à la crème.

Aujourd'hui, la corvée domestique du grand ménage comme telle n'est plus guère usitée mais il subsiste diverses formes de cette pratique. Pour plusieurs, cette période de l'année est toujours propice au rangement des vêtements et des bottes d'hiver qui, après avoir été nettoyés, prennent place dans les placards, garde-robes ou coffres en bois de cèdre jusqu'au prochain hiver. Pour d'autres, c'est aussi l'occasion d'enlever les châssis doubles, de laver les fenêtres de la maison, à l'intérieur comme à l'extérieur, sorte d'appel à se «décabaner» pour mieux profiter de la vie dehors. Pour sortir de l'hivernement, on démonte les garages et abris d'autos ainsi que les tambours et vestibules temporaires et l'apparence extérieure des maisons revêt une peau veuve. C'est le temps de ranger les pelles à neige et de procéder au grand nettoyage des terrains et de la cour à commencer par l'enlèvement des clôtures à neige, des cônes à rosier et des toiles de toutes sortes qui ont protégé arbres et arbustes.

Dans toutes les municipalités, petites ou grandes villes, un grand balayage des rues est fait au moyen d'une machinerie spécialisée et le but est d'enlever la poussière et le sable utilisé pendant tout l'hiver comme matière antidérapante. Le balayage se fait à date fixe, par secteur, et les résidents sont avertis au préalable par des panneaux indicateurs. Au même moment, cette opération s'accompagne de la levée des interdits de l'hiver comme la défense de stationner dans les rues la nuit pour ne pas nuire à l'enlèvement de la neige.

En somme, le grand ménage du printemps ne consiste plus à faire uniquement «maison nette» et les pratiques actuelles se sont étendues à l'extérieur de la maisonnée. La nécessité du ménage au printemps est restée tandis que l'aspect collectif de la corvée se perd.

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