Parmi toutes les activités de la saison estivale, l'une des plus prisées est sans doute le retour des marchés publics où l'on peut s'approvisionner en produits alimentaires frais cueillis dans la région. Entre les produits disponibles à l'année dans les grandes surfaces et l'approvisionnement direct auprès des producteurs, les marchés en plein air et les kiosques maraîchers regagnent la faveur populaire.
Un peu d'histoire
À l'origine, le marché public érigé au coeur de la ville est une institution qui fait le commerce des produits d'élevage et de culture destinés à la consommation. Les marchés assurent l'approvisionnement des citadins et permettent aux cultivateurs d'écouler leurs produits. Dès le Régime français, presque toutes les villes d'importance ont une place publique où se déroulent les activités commerciales et sociales. Érigée en plein centre de la paroisse, souvent face à l'église et près des habitations, la place publique accueille une ou deux fois semaine les paysans venus de la campagne vendre leur stock d'élevage ou d'agriculture de même que certains produits de la chasse. Fruits et légumes en saison, gibier, volaille, œufs, foin et bois de chauffage se retrouvent sur les charrettes des cultivateurs qui servent d'étals. Dans les villes, les jours de marché, souvent les mardis et vendredis, apparaissent comme des périodes de grande activité commerciale très animées.
Au XVIIe et au XVIIIe siècle, en dehors des jours de marché, les places publiques sont aussi des lieux de rassemblement, de rencontres et d'échanges, sorte de trait d'union entre ville et campagne. Des manifestations diverses de la vie quotidienne et de la vie politique y ont cours, et des gens de toutes les classes sociales s'y côtoient. Nécessité oblige : tous ont besoin de se nourrir. Avec ou sans abris temporaires, ces marchés relèvent d'abord des autorités coloniales, puis municipales, qui sont chargées de réglementer les places de marché et de construire des infrastructures qui correspondent au développement du commerce. Des commis, appelés « clercs de marché » sont nommés pour administrer les marchés, percevoir le prix de location des étals, appliquer les normes d'hygiène - notamment pour la viande et les poissons - et voir à la pesée obligatoire des denrées.
Pendant que les limites de la ville sont repoussées et que le commerce connaît un essor formidable, les marchés publics gagnent en importance et atteignent leur apogée au XIXe siècle. Les places de marché se transforment en halles : il est nécessaire de réglementer le commerce. Placés en dehors du centre-ville pour faciliter l'accès aux producteurs, les vastes édifices construits sont généralement de forme rectangulaire. À l'extérieur des halles, abritant des étals, se trouvent d'autres étals semi-couverts pour accueillir les commerçants. Les halles de marché permettent ainsi de prolonger la saison d'approvisionnement, notamment par les étals de bouchers à l'intérieur. « L'apparition des halles de marché dans le paysage urbain témoigne de la volonté des villes d'améliorer la qualité de la vie urbaine » (Bergeron, 1993: 12). Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, l'urbanisation se fait plus importante et la population des campagnes migre en grand nombre : on assiste à une expansion plus rapide des marchés. Dans les grandes villes comme Québec et Montréal, on trouve quatre ou cinq marchés pouvant desservir les habitants des divers quartiers. Plusieurs bruits, odeurs et images particularisent l'atmosphère intense de la vie des marchés. Le marchandage et la criée des produits évoquent des images caractéristiques de ces lieux publics.
Les marchés de producteurs deviennent des marchés de commerçants, de bouchers, d'épiciers. Ces petits commerces s'établissent en périphérie des grands centres et se regroupent selon un nouveau concept, celui des centres commerciaux. Peu après la Seconde Guerre mondiale, qui marque de grands changements socio-économiques, on délaisse peu à peu la place du marché au profit des petites épiceries et des chaînes d'alimentation qui se multiplient ici et là dans les quartiers des villes. Jusqu'à la fin des années 1950, les marchés publics disparaissent les uns après les autres, mais au cours des années 1980, on sent un nouvel engouement pour les marchés de type traditionnel. Même si les produits frais sont souvent accessibles dans les épiceries et les chaînes d'alimentation, « aller au marché » redevient une activité prisée par des consommateurs qui, parfois nostalgiques, retrouvent l'atmosphère des anciens marchés et surtout, le contact avec des producteurs qui vendent directement leurs produits. Cet engouement laisse beaucoup de place à différents modèles de halles d'alimentation inspirés de l'architecture traditionnelle des marchés publics et dont le succès repose à la fois sur l'emplacement et la concurrence.