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De coutume en culture

Dans son roman Une bataille d'Amérique, Pan Bouyoucas se demande si on s'habitue à l'hiver, «à cette saison de malheur qui nous enferme dans nos terroirs pour nous avachir, nous endurcir dans sa triste hibernation et nous revenir toujours plus coriace et cruelle». (Bouyoucas, 1976 : 16). Bien des écrivains québécois ou étrangers ont la même perception de l'hiver : morte, rigoureuse, triste, longue, terne ou maussade, voilà autant de qualificatifs qu'ils accolent à la saison froide. Pourtant, à la question du romancier, plusieurs répondent qu'il est possible en effet de s'habituer à l'hiver, de le vivre pleinement et de l'aimer. Mais pour y arriver, les loisirs à l'extérieur sont essentiels.

Depuis des siècles, les Québécois se divertissent dehors l'hiver, profitant de la neige et exploitant la glace. C'est surtout au XIXe siècle que les loisirs hivernaux connaissent un véritable essor ; on patine déjà au XVIIIe siècle et la glissade est prisée au Québec depuis le début de la colonisation. Une fois le climat de l'hiver apprivoisé, il devient agréable de se promener dans les bois, sur la neige, et d'admirer le paysage unique qu'offre cette saison. Alors qu'au départ on les utilise simplement pour faciliter les déplacements, les raquettes à neige connaissent une certaine popularité au Québec dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au XXe siècle. De nombreux clubs de raquetteurs sont formés et offrent deux types d'activités : les randonnées à caractère social et les courses compétitives. Les activités récréatives d'extérieur se font autant en ville qu'à la campagne; la pratique du patinage s'est d'ailleurs développée en milieu urbain avec les jeunes bourgeois. Ceux-ci patinaient autrefois sur les ponts de glace formés entre deux rives. Reconnu comme un lieu de rencontre et de regroupement, le pont de glace est à la fois le théâtre de fréquentations, de courses en carrioles, de commerce et de consommation d'alcool. De petites tavernes ou buvettes y sont érigées temporairement et abritent les transporteurs, canotiers, voyageurs et tailleurs de glace de passage venus prendre un verre autour du poêle. Les citadins rejoignent aussi les ruraux au «pain de sucre» de la chute Montmorency, cet amoncellement de neige où tous se livrent à la glissade en traîne ou en sleigh. Plus récemment, des centres récréatifs où la glissade est à l'honneur ont vu le jour. Des remontées mécaniques facilitent aujourd'hui l'ascension des pentes abruptes que dévalent petits et grands. Les toboggans bien cirés ont aussi été remplacés par des tapis de plastique et des tubes de caoutchouc plus «performants» sur la neige. Les divertissements d'hiver se multiplient et font des milliers d'adeptes au Québec. Les stations de ski alpin sont toujours bondées et le ski de randonnée reste un sport des plus complets qui tient en forme ceux qui s'y adonnent.

En plus des activités qu'on y pratique en solo ou en groupe, l'hiver est aussi la saison des sports d'équipe comme le curling, le hockey et la ringuette. Au Québec, c'est au cours des XIXe et XXe siècles que se développe le sport organisé caractérisé par des clubs, des ligues des règlements, un équipement spécialisé et des organismes nationaux. Instauré d'abord dans les milieux anglophones montréalais, le sport organisé gagne de plus en plus en popularité chez les francophones. Ceux-ci s'adonnent d'abord à la raquette à neige comme sport puis jettent leur dévolu sur le hockey. Dès la formation du club des Canadiens de Montréal en 1909, le hockey fait son entrée dans la culture canadienne-française et l'enthousiasme pour ce sport se fait encore sentir. Du stade extérieur au match télévisé en passant par la radio, les Soirées du Hockey ont enflammé bien des générations de Québécois et les séries rassemblent encore aujourd'hui les amateurs de ce sport. Jusqu'à tout récemment, le hockey au Québec était une véritable institution, un moyen d'identification nationale. Ses clubs vedettes, ses héros et ses couleurs ont marqué la culture québécoise et ont donné lieu à des séries télévisées et des films populaires comme Lance et compte et Les Boys.

Il n'y a pas que les espaces réservés aux sports et divertissements d'hiver qui sont fréquentés pendant la saison. De plus en plus d'écoliers vivent une expérience en forêt lors des sorties en classe neige et font même des pique-niques en plein air au mois de janvier. D'autres prennent plaisir à observer les oiseaux qui n'ont pas migré vers le sud. Puis il est toujours possible, à trente degrés sous zéro, de pêcher sur glace, de faire du camping, de l'équitation, de la marche ou de s'inventer une bonne bataille de boules de neige comme celle de La guerre des tuques, titre d'un film réalisé par André Melançon en 1984.

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