Qui était madame X? Elle fut la plus célèbre et la plus discutée de celles qu'on a surnommé les courriéristes du cœur. Celle à qui des milliers d'individus se confient avec une foi aveugle, c'est Reine Charrier, une rescapée de l'enfer nazi. La populaire émission Madame X débute en 1959 sur les ondes de CKVL.
Personnage légendaire de la radio québécoise, on dit de cette femme qu'elle a réponse à tout et ce, sur un ton qui n'admet pas de réplique. Son charisme est contesté : il faut bien le dire, elle fait office de pionnière dans les tribunes téléphoniques à la radio. On lui reproche ses jugements, sa promptitude à diagnostiquer les problèmes, voire sa capacité d'analyse. Madame X est pressée : les commanditaires font pression et plus souvent qu'autrement, elle se retrouve à faire la publicité de tel ou tel produit. Radio privée oblige! Dans ce contexte, elle n'a d'autre choix que d'expédier les problèmes des auditeurs, de les faire patienter au bout de la ligne ou d'entrecouper les appels par des messages commerciaux. Au fond, ce qui indigne c'est d'entendre coup sur coup l'animatrice conseiller à une auditrice d'être plus gentille envers son mari et faire la réclame d'un sirop pour la toux. Bien malgré elle, madame X incarne l'image d'une amateur qui tente de se hisser au rang de spécialiste et d'experte : il semble bien qu'en ces domaines privés, la bonne volonté ne suffise pas. Avec madame X, le modèle de la conseillère prend un coup. Si certaines de ses interventions sont contestées, elle avait au départ de bonnes intentions. Tout comme elle était bien consciente que plusieurs sujets ne pouvaient être traités à la radio ou dans les journaux en raison des mœurs de l'époque. Pour remédier à cette situation, elle écrivit des livres nourris principalement des lettres qu'elle recevait à son émission et put ainsi aborder des sujets d'ordre sexuel comme l'homosexualité, l'onanisme, l'inceste, etc. Ni tout à fait experte, ni tout à fait amateur, Reine Charrier pouvait compter sur une certaine expérience de la vie. Mais la popularité de madame X déborde sa personnalité. Elle fut en somme l'instrument, la voix d'une prise de parole collective.
À cœur ouvert
Pendant 20 ans, de 1966 à 1986, Françoise Larochelle-Roy anima l'émission À cœur ouvert sur les ondes de CHRC à Québec. L'animatrice explique comment elle a choisi le titre de son émission : «Parler à cœur ouvert, ça voulait dire en toute confiance, de n'importe quel sujet» (La radio à Québec, 1997 : 211). Cette émission quotidienne de ligne ouverte ne se voulait pas un courrier du cœur. L'animatrice y traitait de plusieurs sujets à la fois : recettes culinaires, taches sur les vêtements, psychologie, fleurs et fleuristes, étiquette, littérature, etc. et elle invitait des spécialistes. Les thèmes des émissions étaient déterminés à partir des lettres qu'elle recevait des auditeurs. L'émission occupait deux heures dans la programmation, de 14h00 à 16h00 et s'adressait de ce fait davantage aux personnes à la maison.
L'animatrice avait de fidèles auditrices. Elle était consciente de l'influence qu'elle avait sur son auditoire et des services qu'elle pouvait rendre. Malgré les sourires que faisait parfois naître son émission en ce qui a trait à certains propos jugés futiles, Françoise Larochelle-Roy savait remettre en contexte la pertinence de ses propos. À titre d'exemple, les questions sur les taches à enlever sur les vêtements étaient plutôt pertinentes pour l'époque où, avec l'apparition de nouveaux tissus synthétiques, l'on assistait à un bouleversement du mode d'entretien des vêtements. Les gens avaient perdu leurs références, tout changeait et il fallait innover par de nouvelles pratiques. Plusieurs de ses trucs étaient fondés sur l'expérience, la sienne mais aussi celle des auditrices. L'émission avait pour but d'informer mais aussi d'échanger sur divers sujets. Ses vingt années d'existence sont le signe qu'elle comblait des besoins.